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disgrâce de milord Marlborough, et contribua au salut de la France.

On voit quel prodigieux appareil de faibles motifs il a fallu aux hommes, pour s’empêcher d’être méchants ou pour tempérer leur malice ; combien de précautions pour s’en garantir, parce qu’ils ont manqué ou détruit l’unique et solide moyen de devenir bons, et de ne point cesser de l’être. Mais pour fortifier toutes ces vertus artificielles, on tâcha d’y accoutumer l’homme dès l’enfance. Quelques unes ayant pris racine dans son cœur, à côté des vices qu’on y croyait innés, on s’imagina par la suite que ces vertus étaient aussi des productions naturelles du même fonds ; et lorsque rien ne s’offrit à son âme avant la vénération qu’on lui inspira pour certaines opinions, ni avant l’apprentissage de quelques pratiques, il se persuada lui-même que ces préjugés étaient autant d’éternelles vérités.

Notre morale, appuyée sur les débiles fondements des conventions tacites et des préjugés dont je viens de vous entretenir, modéra, à la vérité, les fureurs du scélératisme et du brigandage, en rendant odieuse toute action violente ; mais elle ne détruisit point la cause fatale qui contraint souvent le malheureux à y avoir recours : elle devait trouver des moyens sûrs de faire cesser toute misère, et elle ne s’appliqua qu’à chercher d’inutiles consolations que n’écoutent ni la faim ni la cupidité ; elle n’oppose au crime que d’inefficaces exhortations, motivées par la honte ou par des spéculations idéales de biens, peu capables de balancer un sentiment actuel de douleur ou de désirs excités par la présence d’un objet attrayant. Il fallut donc donner aux préceptes de cette morale une force menaçante qui inspirât la crainte. Ils devinrent des lois qu’il ne fut plus permis de violer qu’en subissant des peines plus rigoureuses que le mal qu’on voudrait éviter en leur désobéissant ; mais alors, semblables à de timides reptiles,