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que son utilité lui fait révérer : l’inférieur nomma les bassesses auxquelles il se soumit près du supérieur, zèle, amour sincère, fidélité, attachement. De ce commerce de vertus illusoires, sous lesquelles se cache l’intérêt particulier qui n’aime que soi-même et feint d’aimer le reste des hommes, se formèrent mille petits vices, qui ont besoin du contre-poids de mille autres vertus minutieuses que les grands et les petits regardèrent comme des moyens d’augmenter, d’affermir, d’avancer leur fortune Au faste, à la vanité, à l’arrogance, à la grossièreté, on opposa la politesse, la décence, la gravité, la fermeté, la dignité.

Toutes ces frivolités ne sont que les premiers acheminements au bien-être parmi les hommes. Il est encore bien d’autres démarches pour y parvenir. Je ne m’arrêterai qu’aux plus importantes. Comme aucun secours, aucun bien réel ou idéal ne s’accorde plus gratis, et tous les cœurs étant plus enclins que jamais à l’ingratitude, les principales vertus devenues nécessaires sont la probité, la bonne foi, c’est-à-dire des dispositions à ne point frustrer les autres de ce qui leur appartient, à ne point leur nuire ni ouvertement ni par ruse, à remplir exactement ses promesses ou les obligations auxquelles on s’est soumis. Ces sentiments ne sont ordinairement inspirés que par la seule considération qu’on ne voudrait pas recevoir soi-même un pareil traitement. On sait un gré infini à ceux qui observent ces préceptes. Je demande si les hommes devraient avoir besoin de pareilles leçons, si ce n’était la mauvaise économie de la plupart des sociétés. De pareilles vertus ne sont-elles pas la honte de notre espèce ? un homme mérite-t-il des louanges, pour n’être pas un perfide, un traître, un voleur, un brigand, ou devrait-il être exposé aux dangers qui l’induisent à ces crimes ?

Cependant, combien de fois l’intérêt ne donne-t-il pas