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Par où la morale devrait commencer ses instructions

En effet, pourquoi, par exemple, dès ses premières leçons, faire l’homme esclave des volontés d’un maître qu’il doit être supposé ne pas connaître encore, et qu’il ne doit apprendre à connaître, qu’en apprenant à être heureux ? Hommes, soyez bienfaisants ; Dieu le veut, Dieu l’ordonne. Beau début, plaisante exhortation ! Apprenez-leur ce que c’est qu’être bienfaisants ; les moyens d’y réussir, les avantages qui leur en reviennent ; laissez là l’idée de la Divinité ; elle n’a que faire de vos leçons pour éclore ; vous ne faites que la gâter, en vous efforçant de la prématurer ; contentez-vous de faire, que quand même cette idée ne serait jamais conçue, l’homme n’en fût pas moins disposé à mettre son souverain bonheur à faire du bien. Ne craignez pas qu’il demeure un athée ; jamais le bonheur, ni l’innocence, ne portèrent personne à l’athéïsme. L’idée d’une Divinité doit naître chez les hommes, des préceptes persuasifs et des moyens sûrs d’être bienfaisants.

Si une créature bienfaisante et sensible au bienfait est naturellement portée à concevoir du respect et de l’amour pour la cause première de tous biens ; si ces sentiments font croire aux hommes que la Divinité est touchée des marques de leur reconnaissance ; si, en un mot, il faut un culte qui entretienne chez les nations l’idée d’un être infiniment bon et sage, c’est-à-dire, des démonstrations, des signes extérieurs par lesquels l’homme semble se dire tout haut à soi-même et aux autres, ce que ces idées lui disent intimement ; il est évident que les seules cérémonies de ce culte sont toute action bienfaisante, générale ou particulière, et que le plus digne hommage que