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treraient dans cet état heureux ? et nos sages pouvaient-ils méconnaître les vrais moyens de les y ramener ? Pouvaient-ils ne pas sentir les défauts de leurs systèmes de morale ?

IV. Quels sont ordinairement les plus méchants de tous les hommes ?

Une quatrième observation générale, c’est que comme partout, les hommes les plus méchants, sont les plus intéressés, les plus avares, les plus fourbes, sont ceux qui cherchent et inventent plus de prétextes de se dispenser des devoirs de la bienfaisance ; sont ceux qui détournent, avec plus d’adresse, l’idée de ces devoirs sur des choses qui n’apportent aucun bien réel ou moral à l’humanité ; qui érigent en actions importantes des pratiques superstitieuses, et font valoir, comme de grands services, la peine qu’ils prennent de dresser les hommes à ce manége ; puisque, dis-je, on peut dire que ceux qui en agissent ainsi pour s’attirer nos respects, notre vénération, pour se procurer toutes les aisances d’une vie molle et oisive, bien plus encore, pour dominer sur le reste des hommes, sont les plus méchants et les plus corrompus ; que l’on examine de quels personnages ces vices ont toujours formé l’odieux caractère ; on verra que chez toutes les nations il a toujours fait la marque distinctive de ceux qui se sont appliqués à donner aux hommes les plus monstrueuses idées de la Divinité : ces gens s’en disent les amis, les ministres ; que cette opinion est pour eux une source abondante de biens ! Que ne devons-nous pas à ces demi-dieux[1] ? N’est-il pas conséquent, que toute

  1. Voyez ce pontife, cet anachorète, assidu courtisan de la Divinité ; il ne tarde pas, quelque mine qu’il fasse, de s’imaginer en être un des principaux favoris : or, un des principaux favoris de la Divinité est une personne sacrée ; une personne sacrée mérite les respects du reste des mortels ; elle est l’interprète des ordres du ciel. Combien de conséquences favorables à l’amour-propre !