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Mille accidents, au contraire, ont détaché les hommes de l’innocence et de la probité pour les porter au brigandage. Pourquoi, dira-ton, la Providence a-t-elle permis un si fatal changement ?

Je n’en sais rien ; mais loin de la taxer, comme vous, d’avoir livré l’homme à des maux qu’elle pouvait empêcher, j’aime mieux dire, ou que ces maux ne sont rien à ses yeux, ou qu’ils ne sont que des accidents passagers, à travers lesquels une puissance, à laquelle rien ne résiste, a dessein de conduire le genre humain à un état constant de bonté.

Mon objet principal est ici de faire voir que les moralistes, aussi bien que les législateurs, ont négligé ou méconnu les moyens simples et naturels de ramener l’homme de ses premiers égarements : moyens qui subsistent toujours, malgré le mal ; que, loin de les employer, ils ont semblé conspirer avec les vices à corrompre l’idée de bienfaisance et celle de la Divinité.



Comment la corruption des actions humaines s’est étendue sur
l’idée de la Divinité ; ce qu’il fallait faire pour l’arrêter.


Quand les accidents dont j’ai parlé dans la seconde partie ont eu éteint les sentiments de consanguinité chez les nations ; quand les hommes ont cessé d’être bienfaisants, il était naturel que la corruption de leurs actions leur donnât l’idée d’une Divinité terrible et vengeresse, plutôt que bienfaisante. Il fallait que notre espèce devint une vile esclave du plus honteux intérêt et de mille craintes chimériques ; qu’une infinité d’erreurs grossières lui fissent imaginer voir toute la nature soulevée contre elle, aussi bien que ses propres sentiments ; il fallait, enfin, que l’homme devint à soi-même un objet d’horreur, et crût