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C’est précisément par un semblable abus de la raison que la plupart de nos mélancoliques enthousiastes déclament contre l’homme, aussi bizarres, aussi indéfinissables eux-mêmes que celui qu’ils décrient ; ils font cependant quelquefois la grâce à cette créature infortunée, pour la consoler, de lui dire, avec un de nos poëtes célèbres :

Malgré l’épaisse nuit sur l’homme répandue,
On découvre un rayon de sa gloire perdue :
C’est un roi qui du trône en la terre jeté,
Conserve sur son front un air de majesté.

Racine fils.

Ne voilà-t-il pas une riche et utile découverte ?

Combien nos principes sont éloignés d’autoriser le vice
ou le crime

Il faut des mœurs, une police, des lois, un gouvernement ; tout le monde le dit, et je ne le soutiens pas avec moins de zèle : c’était dans la nature qu’il en fallait puiser les règles ; mais elle était sujette à se corrompre ; les passions humaines étaient un feu qui pouvait devenir incendie : eh bien, il fallait en écarter les matières combustibles. La raison humaine (et, sans cela, à quoi nous servirait ce guide ?) est faite pour connaître et suivre les procédés de cette nature ; ses lois primitives, toutes sages qu’elles sont, ne suffisent point pour gouverner les hommes, je l’avoue ; mais ce n’est que tant que ces lois demeurent vagues et indéterminées : les recueillir, les assembler, y mettre de l’ordre, de la conséquence, en fixer les décisions, c’est l’ouvrage de la raison, de l’art. Ainsi, comme ce qui corrompt la nature n’est plus elle, comme ses vrais sentiments, ses véritables indications cessent où com-