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dénaturée, reprennent toutes leurs forces, et sont autant d’Euménides terribles qui aident les lois humaines à punir le crime. Ainsi, comme un choc est détruit par un autre choc, l’imprudence des causes libres occasionne les crimes ; les suites de la même imprudence servent à détruire ces funestes effets : la violence est anéantie par la violence ; il n’en reste plus rien que de purement idéal pour la créature que ces rapports peuvent intéresser.

Véritable cause des contrariétés de l’esprit et du cœur.

Si on considère les actions des hommes que l’on nomme simplement vices, et qui ont un moindre degré de méchanceté que les actions dénaturées, à combien, grand Dieu ! de pratiques puériles, bizarres et risibles n’a-t-on pas attaché l’idée morale de bonté et de méchanceté ? Ces choses qui ne tiennent par rien du tout à la nature, qui la gênent même et la contrarient, ont cependant trouvé tant de crédit sur l’esprit des hommes, qu’ils en ont souvent fait des ordres divins. Quand il arrive que la nature, malgré l’esprit, secoue un joug inutile, peut-on traiter sa résistance de révolte ; peut-on dire que la volonté de l’homme le porte au vice malgré les lumières de l’esprit ? Ces prétendues clartés ne sont, en effet, que de ténébreuses bluettes, et il n’est pas étonnant alors si la nature, plus sage et plus forte par ses sentiments, met si souvent la volonté en contradiction avec l’esprit, et semble se moquer de ses leçons.

C’est là précisément le nœud gordien de nos raisonneurs moralistes. Le cœur de l’homme, disent-ils, est un labyrinthe impénétrable dont on ne peut connaître les replis : ce n’est qu’un composé monstrueux d’éléments contraires qui se font une guerre perpétuelle. À quoi lui sert la raison, si, malgré ce guide, il bronche à chaque