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tyran, il est impossible, de toute impossibilité, que l’homme se porte à des forfaits, qu’il soit voleur, assassin, conquérant. Les lois qui autorisent la propriété, le punissent de ces crimes : ses remords même et ses craintes, enfants des préjugés du système de morale dans lequel il est élevé, l’en punissent encore. Mais le plus sévère châtiment du scélérat est le premier sentiment de bienfaisance, pour ainsi dire innée ; cette voix intérieure de la nature, toute réduite qu’elle est chez les hommes à l’indifférente leçon de ne point nuire, a encore assez de force pour se faire vivement sentir au criminel.

Vous dites que chez la plupart des hommes, la crainte des châtiments, des supplices, ou présents ou futurs, arrête les actions dénaturées : que d’efforts, faibles mortels, pour empêcher que quelque furieux ne vous nuise ! Tout cela serait inutile sans une ineffaçable probité que la Divinité a mise dans le cœur humain. L’homme de bien la chérit indépendamment de toute crainte, le scélérat la regrette même dans l’impunité ; elle seule punit et réprime plus efficacement les crimes que les roues, les gibets : Ille (Deus), legis hujus inventor, disceptator, lator : cui qui non parebit, ipse se fugiet, ac naturam hominis aspernabitur ; atque hoc ipso luet maximas pœnas, etiamsi cætera supplicia, quæ putantur, effugerit… suum quemque scelus agitat, amentiaque afficit : suæ malæ cogitationes, conscientiæque animi terrent ; hœ sunt impiis assiduæ domesticæque furiæ[1]. Il est entré dans le plan de la Providence que les lois humaines qui auraient imprudemment occasionné la violation des sentiments naturels, joindraient leurs rigueurs au pouvoir affaibli de ces sentiments, et qu’elles répareraient ainsi les pertes qu’elles leur font souffrir : ces sentiments eux-mêmes, après la chaleur de l’action

  1. Cic. de Rep., lib. 3 ; de Legib. 1. 14.