Page:Etienne-Gabriel Morelly - Code De La Nature.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant, à les entendre, ils ne sont pas coupables, ils avaient les meilleures intentions du monde.

Quant au reste des hommes, que peut-on leur imputer ? Après tout, ce n’est pas leur faute, s’ils ont été induits en des erreurs, qui multipliées de générations en générations, sont devenues insurmontables. Si donc, en conséquence de ces erreurs, quelques particuliers se trouvent réduits à la dure nécessité de devenir criminels, dans les principes même de nos moralistes, n’ont·ils pas droit de s’excuser d’une méchanceté involontaire, d’une méchanceté dont tout le système a été comme bâti avant eux ? Le funeste torrent de toute dépravation est creusé dès longtemps ; il n’est presque plus possible à ces malheureux de se tirer des gouffres fréquents qu’il laisse sur son passage. Quel est le coupable de celui qui a ouvert le précipice, ou de celui qui y tombe ?

Vous avez fait des lois que vous sentiez qui seraient infailliblement violées ; et c’est ce qui devait vous faire comprendre combien elles étaient imparfaites. Vous châtiez ; et pour les maintenir, vous n’aviez que ce moyen. Pourquoi faites-vous la Divinité garante de vos bévues ? Quoi ! vous voulez qu’elle s’irrite de ce que vous n’êtes pas obéis, et qu’elle poursuive votre vengeance au delà du terme de toute prévarication !

Si l’on réplique que Dieu doit punir les prévaricateurs, comme le font les hommes, parce que les crimes, malgré l’imperfection des lois humaines qui ont pu les occasionner, n’étaient pas inévitables pour ceux qui les ont commis, et parce que ces mêmes lois, faites précisément pour les empêcher, donnaient, d’après la nature, des leçons pour les éviter, je vous demanderai à quoi servaient ces leçons, aussi inefficaces que révoltantes ? Vous les dites tirées de la nature, et je vous ai fait voir qu’elles la contredisent. Où est l’authenticité qui peut les faire adopter