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des secours que des châtiments, si la suprême sagesse jugeait des choses à peu près comme nous ; mais qui ne sent le faux et le ridicule de ces sortes de comparaisons ?

Rien dans l’univers ne peut déplaire à la Divinité dans le sens, ni de la manière que certaines choses déplaisent à une créature aussi bornée, aussi faible que l’homme, être périssable, que le moindre dérangement apparent inquiète, embarrasse. Quoique nous ne puissions absolument connaître comment la Divinité considère les accidents physiques ou moraux, que nous nommons le mal, il est certain, comme j’ai déjà dit, que ce qui nous semble un désordre, n’en doit point être un pour l’intelligence infinie, qui a tout ordonné ; il faudrait, sans cela, la taxer d’imprudence ou de méchanceté, ou en faire une fatalité qui s’ignorerait elle-même. Ceux qui prétendent qu’il arrive des choses qui peuvent choquer les idées ou la volonté divine, ne peuvent, quelques efforts qu’ils fassent, éluder cette objection, qui se présente d’elle-même toute la première.

En effet, si quelque chose offense, c’est-à-dire, déplaît à la Divinité dans la conduite morale des hommes ; si ce que nous nommons mal, est autre chose à ses yeux qu’un simple défaut, suite nécessaire des bornes naturelles de la capacité humaine laissée, dans cette vie, à son propre gouvernement ; si ce mal est autre chose qu’une simple imprudence, une erreur qui porte avec elle son châtiment et son remède, il faudra convenir que toutes les institutions humaines, toutes les lois factices auxquelles les mortels se sont soumis, ou ont été forcés de se soumettre, sont des crimes généraux, d’autant plus énormes et plus punissables, qu’ils sont la source de tous les maux. Or, dans cette supposition, il faudrait dire que la Divinité doit châtier tous nos sages, tous nos législateurs, qui, comme nous l’avons prouvé, ont bouleversé les lois de la nature.