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aux honneurs du second rang : ainsi s’établit la monarchie ; elle ne s’approprie presque aucun des fonds de le société ; elle maintient les lois qui en ont fait les partages ; mais elle use, à son gré, de tous les membres du corps politique. Ce n’est plus la patrie que l’on sert, c’est la personne du prince ; c’est en sa considération que l’on fait son devoir ; c’est de lui seul qu’on attend des honneurs, des récompenses ; et, pour y parvenir, il faut percer la foule par des actions d’éclat que le souverain puisse remarquer. S’il est vertueux, l’empressement à mériter son estime, ses faveurs et des places voisines de la splendeur du trône ; l’honneur, en un mot, cette idée attachée à toute supériorité, fait le plus ferme appui du pouvoir des monarques. Mais hélas ! par combien d’accidents cet honneur ne dégénère-t-il pas en basse servitude ! Romains, vous triomphâtes sous les deux premiers Césars ; vous fûtes sous les autres les plus vils des mortels.

Bientôt la flatterie corrompt les plus grands rois ; voilà leurs courtisans, leurs sujets devenus adulateurs. Il n’est presque plus personne qui, pour acquérir les bonnes grâces de celui qui porte le sceptre, ne s’efforce de lui persuader que les hommes sont à l’égard de leurs souverains ce qu’est la nature entière par rapport à son auteur ; que dis-je ? ils leur insinuent que les peuples sont, à l’égard des têtes couronnées, ce que les animaux domestiques sont pour les hommes. On ne voit plus alors que d’indignes ministres des volontés les plus tyranniques. Quelque odieuse cabale s’empare de l’éducation d’un successeur ; ce corps de vils eunuques[1], avec l’ignorance ou les vices qui leur sont utiles, perpétue dans la famille régnante les maximes pernicieuses pour lesquelles la flatterie lui a fait prendre goût.

  1. Sous le Bas-Empire on donnait indistinctement ce nom à tous les domestiques de la cour.