Page:Estienne - Stanzes du mariage.pdf/4

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Celuy qui n’a jamais sceu que c’est de ce lien,
Ni combien il y a d’aise, d’heur & de bien,
Qui n’en a faict l’essay & la preuve certaine :
Il n’y faut comparoistre en follastres amours,
Qui durent peu de mois, voire bien peu de jours,
Et dont la volupté est passagere & vaine.

N’alleguons point ici l’exemple de ces Dieux,
Qui leur lict conjugal avoyent pour odieux ;
Car ils n’estoyent pas Dieux, ains plustost estoyent diables :
Et ce beau Jupiter, duquel on parle tant,
Estoit un ruffien & paillard inconstant
Qui vomissoit par tout ses feux insatiables.

Jamais cet adultere & ce luxurieux
En sa main, comme on dit, n’eut le sceptre des Cieux :
Les Cieux ne sont remplis d’inceste & paillardise :
Les Dieux ne sont subjets à la lubricité,
Ils hayent la luxure & l’impudicité,
Et tout ce qu’on dit d’eux n’est que fable & feintise.

Mais en laissant le faux, parlons de nostre Dieu,
De Christ nostre Sauveur, comme estant en ce lieu.
Il honora la Nopce & le saint Mariage,
Voulut y assister, & d’un pouvoir divin
Au banquet nuptial il mua l’eau en vin,
Approuvant ce lien par un tel tesmoignage.

Imprimons en nos cueurs son saint commandement,
Lequel de paillarder defend estroictement,
Et moins de se plonger dans l’adultere infame
Voyons en l’Evangile en mille & mille lieux,
Comme il sçait chastier l’homme luxurieux,
Et le voue & condamne à l’eternelle flame.

A l’exemple de luy qui la Nopce honora,
A l’exemple de luy qui l’Hymen decora,
Et qui se nomme & dit l’espoux de son Eglise,
Honorons & prisons ce Sacrement si beau,
Aimons le Mariage & son chaste flambeau,
Sans que de folle amour nostre ame soit esprise !

O heureux Mariage, en ce monde envoyé
Pour refrener le cueur de l’homme dévoyé,
Don celeste & divin pour repeupler la terre,
Celuy qui t’aimera, soit à jamais heureux ;
Et celuy qui fuira ton lien amoureux,
Sente que le malheur toujours luy face guerre.


J’estonne le ciel.