tourment, de lui ouvrir « la Cité du silence et de l’ombre », le sépulcre où dorment les Dieux évanouis. — Le Charnier divin ! répond le Spectre ; regarde, il est au fond de ton propre cœur :
Là sont tous tes Dieux morts, anciens songes de l’Homme,
Qu’il a conçus, créés, adorés et maudits…
Et les uns après les autres, il évoque leur image et il les appelle par leur nom les Dieux de l’Égypte, Ammon-Râ, ceint des bandelettes funèbres, et Thoth le Lunaire, et Anubis l’aboyeur, et Isis, et Apis ; les dieux du Gange ; les Baalim des nations farouches, le sinistre Iahveh, le sombre Ahrimân, et les dieux assyriens, et les Kymriques, et les Aztèques, et les Scandinaves, et les Immortels assis autour du Kronide sur le Pavé d’or ; enfin, dans le brouillard qui monte et l’enveloppe,
Le blond Nazaréen, Christ, le fils de la Vierge,
Qui pendait tout sanglant, cloué nu sur sa croix…
Et l’Homme, désespéré, pleure sur ses Dieux morts. Mais du fond de lui-même il entend monter, « triste comme un sanglot », une voix, la voix de son inexorable Raison :
Rien ne te rendra plus la foi ni le blasphème,
La haine ni l’amour, et tu sais désormais,
Éveillé brusquement en face de toi-même,
Que ces spectres d’un jour, c’est toi qui les créais.
Mais va ! Console-toi de ton œuvre insensée !
Bientôt ce vieux mirage aura fui de tes yeux.
Et tout disparaîtra, le monde et ta pensée,
Dans l’immuable paix où sont rentrés les Dieux !
Ainsi, l’homme, en ce monde, n’a d’autre secours à espérer que de lui-même et de l’humanité. Ce qu’il doit en attendre, il en pourra juger d’après son histoire, telle que le poète, nous le verrons, la lui met sous les yeux.