L’Enfant tardif, promis au monde déjà vieux,
Qui dormit deux mille ans dans le berceau des Dieux[1],
et tantôt l’époux divin, le pâle jeune homme à qui se voue le
tendre cœur des vierges :
Il est noble et grand comme Gabriel…
De ses cheveux blonds le rayonnement
L’enveloppe et fait luire chastement
Sa beauté parfaite[2].
Il a suivi le Christ au cours de sa vie publique il l’a montré, lui, le dieu miséricordieux, tout « pâle de courroux », chassant à grands coups de fouet les vendeurs du temple,
crevant les sacs, les escarcelles
Pleines d’argent, poussant les bœufs sur les vaisselles,
Et les outres de vin sur les riches tissus,
Et l’âne sur l’ânier et le tout par-dessus[3].
Il l’a montré au jardin des Olives,
S’abattant contre terre avec un grand soupir,
Désespérant du monde et désirant mourir
tandis que sous les murs de Tsiôn étincelle dans l’ombre la torche
de Judas[4]. Il l’a montré sur la colline âpre et nue qu’ensanglante
le soleil couchant, suspendu au gibet, entre les deux suppliciés :
Il était jeune et beau sa tête aux cheveux roux
Dormait paisiblement sur l’épaule inclinée,
Et d’un mystérieux sourire illuminée,
Sans regrets, sans orgueil, sans trouble et sans effort,
Semblait se réjouir dans l’opprobre et la mort.
Certes, de quelque nom que la terre le nomme,
Celui-là n’était pas uniquement un homme[5]…
Il l’a montré à sa dernière heure, poussant vers les sombres nuées un cri d’angoisse et d’épouvante, ne croyant plus à sa mission ni à sa divinité, doutant de lui-même et s’entendant déjà désavouer par l’avenir :