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ET LES DIEUX

PULCHRA

Dans l’Attique sacrée aux sonores rivages,
Dans la douce Ionie aux souffles amoureux,
Partout où le soleil éclaire un monde heureux,
La volupté divine a reçu mes hommages !

CASTA

Partout où l’on gémit, où murmure un adieu,
Partout où l’âme humaine a replié son aile,
J’ai fait germer toujours l’espérance éternetle,
Et j’ai guidé la terre au-devant de mon Dieu !

PULCHRA

Moi, je suis la beauté, la forme enchanteresse,
Chère à tout cœur gonfté par de chauds battements
Et je n’ai point d’égale, et comme une maîtresse,
J’enveloppe le monde entre mes bras charmants

CASTA

Je suis l’amour sans tache, impérissable flamme,
Aurore du seul jour qui n’ait pas de déclin
Les yeux ne m’ont point vue, et je veille dans t’âme,
En y parlant du ciel à ce monde orphelin !


« Le poète alors, prenant la parole, confondait dans une même adoration ces deux aspirations de l’âme vers un idéal éternel :


Ô beauté, que le sage et l’artiste ont aimée,
Rayon des anciens jours qui dores l’avenir
Et toi, sainte pudeur, ô lampe parfumée,
Que rien ne peut jamais ternir !

Divin charme des yeux — ô chasteté bénie !
Double rayonnement d’un immuable feu !
Sur ce monde échappé de sa main infinie
Vous êtes la lumière et l’empreinte de Dieu !


Cette conclusion a disparu du texte de 1852. Au lieu de réconcilier dans un même culte les deux religions antagonistes, le poète, selon la version nouvelle, les regarde, avec un regret mélancolique, sombrer toutes les deux dans le même oubli. Sans doute il cède à un scrupule d’artiste ; il veut dissimuler son moi, effacer tout vestige de lyrisme romantique, et donner au morceau