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LECONTE DE LISLE

glois , d’Eugène Burnouf. À la plus ancienne de ces religions, au naturalisme préhistorique dont les Védas sont le monument, il emprunta ce sentiment profond de la vie universelle, cette adoration des forces élémentaires qu’il a exprimés dans l’Hymne à Sûrya et dans la Prière védique pour les morts. De ces deux morceaux, l’un décrit en vers majestueux et calmes la courbe du soleil dans l’espace, depuis l’aube où il s’élève dans le ciel, jusqu’au soir où il redescend dans les flots de la mer. L’autre, adressée à Agni, le dieu du feu et de la lumière, supplie le Berger du monde d’accueillir l’homme pour qui vient de s’ouvrir la tombe maternelle :


Ne brûle point celui qui vécut sans remords.
Comme font l’oiseau noir, la fourmi, le reptile,
Ne le déchire point, ô Roi, ni ne le mords !
Mais plutôt de ta gloire éclatante et subtile
Pénètre-le, Dieu clair, libérateur des morts !


Au Bhâgavata-Purâna, il demanda les formes modernes de la pensée religieuse des Hindous. Il en tira les éléments d’une conception panthéiste de l’univers, magnifiquement symbolisée dans la description de Baghavat, ou Visnou, ou Hari, puisque sous ces trois noms, c’est le même dieu en qui s’incarne le monde :


Hari, le réservoir des inertes délices,
Dont le beau corps nageait dans un rayonnement,
Qui méditait le monde, et croisait mollement
Comme deux palmiers d’or ses vénérables cuisses…

À ses reins verdoyaient des forêts de bambous
Des lacs étincelaient dans ses paumes fécondes
Son souffle égal et pur faisait rouler les mondes.
Qui jaillissaient de lui pour s’y replonger tous.

Un Açvatha touffu l’abritait de ses palmes ;
Et dans la bienheureuse et sainte Inaction
Il se réjouissait de sa perfection,
Immobile, les yeux resplendissants, mais calmes.


Du bouddhisme enfin, il retient la notion de l’ascétisme qui, par la mortification et l’extase, fraye au sage le chemin vers l’Infini, le libère des passions terrestres et de son individualité,