rales et absurdes » il y faut saluer au contraire « les grands symboles par lesquels les contemporains d’Hésiode et d’Homère
traduisaient leur intuition des lois générales du monde[1] ». Les
uns expriment le sentiment de la vie universelle les autres incarnent les principes primordiaux des choses ou les forces élémentaires de la nature ; les autres, les lois modératrices de l’univers. Les luttes où ils se heurtent sont une image de l’harmonie du monde obtenue par l’équilibre des contraires. Cette variété
paraissait à Louis Ménard beaucoup plus conforme à la réalité,
plus satisfaisante pour l’esprit que l’unité de l’lahveh biblique.
Mais la meilleure justification du polythéisme hellénique, elle
était pour lui dans le merveilleux développement de la civilisation grecque.
« Les religions sont la vie des peuples elles en
répondent devant l’histoire ; l’art, la science, la morale et la
politique s’en déduisent comme une conséquence de son principe[2]… Un jour viendra où la religion qui a fait la Grèce si grande
sera jugée selon ses œuvres. Elle a passé vite, comme la beauté,
comme le printemps, comme le bonheur ; mais elle a créé la civilisation grecque, et on ôterait plutôt le soleil du ciel que la Grèce
de l’histoire[3]. » Elle en occupe « le point culminant ». Depuis lors,
il n’y a eu que décadence, et Ménard en veut à Socrate et, avec
Socrate, à tous les philosophes grecs qui ont détruit la religion
de leur pays et ouvert ainsi une ère d’horreur, d’abaissement,
d’oppression et de ténèbres pour l’humanité.
Si je me suis attardé à exposer par le menu les conceptions religieuses du « païen mystique », c’est que du même coup j’exposais par avance, au moins en partie, les conceptions religieuses de Leconte de Lisle. Celles-là ont, dans une large mesure, déterminé celles-ci. Le fait a été signalé il y a déjà longtemps, dès 1870, par quelqu’un — probablement Thalès Bernard — qui con-