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CHAPITRE IV


LECONTE DE LISLE ET LES DIEUX



L’œuvre de Leconte de Lisle, à la considérer sommairement, est comme une vaste fresque où l’auteur, avec l’ample et libre génie d’un artiste de la Renaissance, aurait développé, sur deux ou trois plans, tout le tableau du monde. En haut, dans un ciel d’or, les dieux, tous les dieux, les plus archaïques et les plus nouveaux, les plus majestueux et les plus monstrueux. les plus rudimentaires et les plus accomplis, depuis le fétiche de l’Indien jusqu’aux Immortels de Phidias. Plus bas, les hommes, les hommes de tous les temps, de tous les pays, de toutes les races, anciens et modernes, raffinés et barbares, civilisés et sauvages, vêtus de peaux, coiffés de plumes, drapés de laine ou bardés de fer. Au fond, la nature immense et mystérieuse, la prairie où paît le bison, la jungle où rôde le tigre, le désert que traverse l’éléphant, la forêt vierge, l’océan infini. Devant ce spectacle magnifique et disparate, la première impression est une impression de confusion et d’étrangeté. Pour quel dessein a-t-on choisi et assemblé les formes innombrables qui se trouvent ainsi réunies ? Quelle est la loi de leur ordonnance ? Et quel est le sens général qui doit, pour le spectateur, se dégager de cet ensemble ? Avant de répondre à ces questions, il nous faut, tout d’abord, examiner en détail chacune des parties qui te composent. Quand nous aurons analysé l’idée que Leconte de Lisle se fait, et qu’il veut nous donner, des dieux, des hommes et de la nature, alors, seulement, nous pourrons nous demander quelle est la signification profonde et comme la philosophie de son œuvre.

I

Commençons par les dieux. Parmi ceux dont Leconte de Lisle nous a retracé l’image, celui de la Bible occupe une place