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LECONTE DE LISLE

nationale. Il fonda un Club républicain démocratique. Il harangua le peuple. Mais, dénué de relations et de ressources, il « s’éreinta » — c’est son mot —, sans autre bénéfice que d’assurer, par ses déclarations enflammées, le succès de la liste réactionnaire. Et un beau jour qu’il avait prononcé, probablement, un discours plus violemment anticlérical que d’habitude, menacé d’être lapidé par la foule, il dut se sauver en sautant par la fenêtre.

Il se vengea de son échec en déblatérant tout à son aise sur « l’état d’abrutissement, d’ignorance et de stupidité » de la Bretagne. « Que le grand diable d’enfer emporte les sales populations de la province ! » écrivait-il à Louis Ménard. Mais cette prise de contact avec la réalité, hors des milieux parisiens et de l’atmosphère surchauffée des clubs, eut l’avantage d’une leçon de choses. Elle ôta au jeune délégué à la propagande toute illusion sur les chances d’avenir du régime issu, deux mois plus tôt, des journées de février. Dès le 30 avril, il écrivait à Louis Ménard :

Tout est peut-être à recommencer. Il est clair comme le jour qu’on veut nous escamoter la Révolution. L’Assemblée sera composée de bourgeois et de royalistes. Elle votera de belles et bonnes lois réactionnaires, laissera l’ordre social et politique existant sous Louis-Philippe subsister indéfiniment, et qui sait ? nous imposera bientôt une autre royauté. Eh bien ! on en verra de rudes. Je ne désespère pas, pour mon compte, d’aller crever au Mont-Saint-Michel.

Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance ! Que le peuple est stupide C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. Aussi ne sera-ce pas pour lui que nous combattrons encore, mais pour notre idéal sacré. Qu’il crève donc de faim et de froid, ce peuple tacite à tromper, qui va bientôt se mettre à massacrer ses vrais amis.

Voici que la réaction m’a rendu communiste enragé… Le peuple français a besoin d’un petit Comité de Salut public qui le force, comme disait cet autre au club Blanqui, d’après Mme de Staël, à faire un mariage d’inclination avec la République.

C’est dans cet état d’exaltation, accru sans doute encore par les mesures d’ordre prises par le gouvernement après la manifestation du 15 mai, notamment par l’arrestation de son ami Paul de Flotte, que les journées de juin trouvèrent Leconte de Lisle. Y joua-t-il un rôle, et lequel ? Fit-il le coup de feu sur les barricades, avec de Flotte ? ou se contenta-t-il, avec Louis Ménard, de porter aux insurgés la formule du fulmi-coton ? Fut-il arrêté, soit pour