pareil », le « marbre désolé » en qui s’est muée la mère douloureuse et tragique, s’arrête sur une interrogation qui reste en suspens :
Oh ! qui soulèvera le fardeau de tes jours ?
Niobé ! Niobé ! souffriras-tu toujours ?
Dans le texte de La Phalange, la question recevait aussitôt sa réponse :
Non, s’il est vrai que l’âme aux lyres des poètes
Parfois ait délié la langue des prophètes ;
Si le feu qui me luit éclaire l’avenir,
Ô mère, ton supplice un jour devra finir.
Un grand jour brillera dans notre nuit amère.
Attends, et ce jour-là tu renaîtras, ô mère !
Dans ta blancheur divine et ta sérénité
Tu briseras le marbre et l’immobilité
Ton cœur fera frémir ta poitrine féconde ;
Ton palais couvrira la surface du monde,
Et tes enfants, frappés par des dieux rejetés,
Tes enfants, ces martyrs des cultes détestés,
Seuls dieux toujours vivants que l’amour multiplie,
Guérissant des humains l’inquiète folie,
Chanteront ton orgueil sublime et ta beauté
Ô fille de Tantale ! ô mère Humanité
Cette prédiction, confuse de style et obscure de sens, pouvait s’appliquer, en 1847, aux adeptes du Phalanstère, ni plus ni moins qu’à tous ceux, et ils ne manquaient pas, qui prétendaient avoir en poche une recette infaillible pour faire le bonheur du genre humain. Elle tenait si peu au corps de l’œuvre que l’auteur, en 1852, réduira le plus aisément du monde cet appendice à quelques vers d’une signification encore plus vague, et que, dans la version définitive, il pourra, sans inconvénient aucun, le supprimer tout à fait. Que conclure de là ? Que si, entre 1840 et 1848, dans l’âge d’or du socialisme, au temps où ses théories se développaient dans les nuages, sans contact avec la réalité, Leconte de Lisle, comme beaucoup d’autres écrivains, a caressé de beaux rêves de justice, de fraternité, de félicité universelle, et céiébré d’avance la réouverture du Paradis terrestre, il n’a jamais, — il était pour cela trop profondément artiste, — voué sa poésie à développer les conceptions parfois incohérentes ou bizarres de