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LES DÉBUTS LITTÉRAIRES

Voile d’Isis, Les Ascètes (celle-ci publiée non pas dans la Phalange, mais dans la Revue indépendante de Pierre Leroux et de George Sand). Un seul poème, La Fontaine des Lianes, que nous retrouvons avec une insignifiante modification de titre, dans les Poèmes Barbares, évoque les paysages de l’île natale.

Dans tout cela, qu’y a-t-il pour le fouriérisme ? Le titre de l’Églogue Harmonienne ; une bien vague allusion dans Tantale, pris pour symbole du vulgaire qui ne peut pas, ou ne veut pas, assouvir sa soif de vérité aux sources qui lui sont offertes (entendez, s’il vous convient, aux flots purs de la doctrine sociétaire). Dans La Recherche de Dieu, l’inspiration, sinon proprement fouriériste, du moins, au sens le plus large, socialiste à la façon de 1840, est évidente. Le poète se présente comme un vieillard centenaire, — assez proche parent du Moïse d’Alfred de Vigny, — qui a passé sa longue vie à s’enquérir de Dieu. Il l’a demandé aux prophètes et aux sages, à la nature et aux religions, et ni les prophètes, ni les sages, ni la nature, ni les religions n’ont répondu. Il a cru, à l’exemple de la candide Allemagne — cette conception suffirait à dater la pièce —, le trouver dans les douces affections du foyer et de la famille ; il a cru le trouver encore dans le délire de la passion et de la volupté ; c’est en vain, et il se désespère, et il se lamente. Mais l’Esprit de la terre — un cousin de « l’Esprit de la lyre » que fait, dans les Sept Cordes, si éloquemment et si abondamment parler George Sand, — arrête ses cris pusillanimes, et, en même temps que ses plaintes, celles du genre humain tout entier :


Cesse ta morne plainte, et songe, Humanité,
Que les temps sont prochains où de l’iniquité.
Dans ton cœur douloureux et dans l’univers sombre.
Les rayons du bonheur s’en vont dissiper l’ombre…
Ô roi prédestiné d’un monde harmonieux,
Marche, les yeux tendus vers le but radieux !
Marche à travers la nuit et la rude tempête,
Et le soleil demain luira sur ta conquête !
Ô sainte créature aux désirs infinis,
Que de trésors sacrés, à tes pieds réunis.
Pour prix de tes douleurs et de ton saint courage
Vont racheter d’un coup de longs siècles d’orage !
Le travail fraternel, sur le sol dévasté,