Page:Estève - Leconte de Lisle, Boivin.djvu/6

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

6
LECONTE DE LISLE

laissant deux enfants, Charles-Guillaume-Jacques, né en 1787, et Guillemette-Marie, née en 1790.

Charles-Guillaume-Jacques, selon l’alternance en vigueur depuis près de 150 ans dans la famille Le Conte, était destiné à la profession médicale. Il ne faillit pas à sa vocation. En 1813, il était nommé chirurgien sous-aide au corps de Bavière ; en 1814, il était maintenu en la même qualité à la Grande Armée. Le retour des Bourbons le rendit à la vie civile. D’humeur aventureuse sans doute, il eut l’idée d’aller chercher fortune aux colonies. En 1816, il passait à Bourbon. Peu de temps après, il y épousait une jeune créole, Suzanne-Marie-Élysée de Riscourt de Lanux. Mlle de Lanux appartenait à la société aristocratique de l’île. Elle descendait d’une vieille famille du Languedoc, dont un représentant, le marquis François de Lanux, avait, au dire de Leconte de Lisle, pris part à une conspiration contre le Régent — probablement la conspiration de Cellamare —, s’était, après la découverte du complot, réfugié en Hollande, et enfin était venu s’établir, en 1720, à l’île Bourbon. Elle apportait en dot ce qui faisait la richesse des colons : des terres et des esclaves. De médecin, l’ancien chirurgien sous-aide se fit planteur. Aussi longtemps que subsista l’esclavage, il n’eut pas lieu, semble-t-il, de s’en repentir. En 1837, notamment, il adressait à une maison du Havre une cargaison de sucre de 100.000 kilos.

C’est de ce mariage que naquit, le 22 octobre 1818, date authentique fournie par son acte de naissance, Charles-Marie-René Leconte de Lisle, le futur auteur des Poèmes Antiques et des Poèmes Barbares. De ses premières années, nous ne savons guère que ce qu’il en a dit lui-même. Une note rédigée de sa main, avec une concision à laquelle les auteurs de confidences et de mémoires ne nous ont guère habitués, résume en une ligne les événements marquants de ses dix premières années. « Venu en France à trois ans ; retourné à Bourbon avec ma famille à dix ans. » C’est à Nantes, le grand port de commerce en relations directes et suivies avec les îles, que se passèrent ces sept années. L’enfant ne fut pas, comme le laissent entendre certains de ses biographes, élève au Collège royal, aujourd’hui Lycée, de cette ville. Une tradition