de lunettes et d’une pipe en écume garnie d’argent pour le prix
scandaleux de 16 francs, a d’abord montré de l’indulgence
« Je courbe la tête, priant Dieu qu’il s’amende, plus en état, à
des distances pareilles, de pleurer, malgré mon caractère sévère
que de heurter trop durement le coupable, craignant d’ailleurs
de frapper à faux et à contre-temps. » Mais il finit par se fâcher.
En novembre 1839, Leconte de Lisle reçoit de Bourbon une lettre
qui trouble sa conscience : « Si vous saviez, confie-t-il à Rouffet,
les craintes, les remords, les vaines espérances qui me torturent ! En décembre, l’oncle de Dinan lui signifie que sa famille
lui a décidément coupé les vivres, pour manifester son mécontentement du peu d’empressement qu’il met à l’étude du Droit ;
qu’il ne dispose plus en sa faveur que de quatre à cinq cents
francs, sur lesquels il a l’ordre de payer, jusqu’à épuisement, sa
chambre et sa pension, sans lui donner le moindre argent en
sus. Le résultat le plus clair de la mesure, c’est de jeter Leconte
de Lisle définitivement dans la carrière d’homme de lettres ;
et quelle carrière ! « Je vais donc, écrit-il à son ami, goûter d’une
nouvelle existence ; je vais donc vivre de mon propre travail,
ce qui me paraît peu probable cependant, car je ne suis bon
à rien, si ce n’est à réunir des rimes simples ou croisées, lequel travail n’a pas cours sur la place, comme dit Chatterton. »
Le premier usage qu’il fait de sa liberté, c’est de coopérer activement à la mise en train d’une revue littéraire qu’up groupe de jeunes Rennais, auditeurs de la Faculté des Lettres, s’occupent de lancer. C’est Alexandre Nicolas, qui se chargea, en tête du premier numéro, de présenter ces jeunes gens au public comme les promoteurs d’ « une croisade intellectuelle ». Après avoir établi la supériorité du Christianisme et de la loi du progrès qu’il apportait au monde sur les conceptions matérialistes de la société patenne, « serait-ce donc, continuait-il, une tentative déplacée que de former un recueil où toutes les inspirations littéraires fournies par la pensée chrétienne aux jeunes poètes, où toutes