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LECONTE DE LISLE

coteaux boisés qui encaissent la vallée, et nous savons par Leconte de Lisle qu’il eut là, en automne, des impressions exquises. Mais tandis que l’hiver de 1837-1838 enveloppait la Bretagne de son voile de brume, il songeait beaucoup moins sans doute à admirer la nature qu’à prendre sa part des divertissements qui ne manquaient point à la société du lieu. On dansa beaucoup à Dinan cet hiver-là. Parmi les jeunes Bretonnes se mêlaient les beautés de la colonie anglaise qui séjournait sur les bords de la Rance. Leconte de Lisle distingua aussitôt l’une d’elles, miss Carolina Beamish, « la femme la plus gracieuse, la plus noble que son œil eût jamais contemplée » ; il s’empressa de lui dédier un sonnet. Mais la sœur de Carolina, Marie Beamish, fit sur lui une impression encore plus profonde, et qui dura longtemps à notre connaissance, au moins dix-huit mois. Pour le « doux ange, au doux nom de Marie », pour « le jeune cœur voilé d’une ombre virginale » qu’il aimait d’un idéal amour, il écrit maintes pièces, sonnets, romances, poèmes, où il platonise et pétrarquise tout à loisir. Il a dans la ville une réputation de poète il ne tiendrait qu’à lui de faire paraître dans l’Annuaire de Dinan, dont son oncle est l’éditeur, plusieurs de ses compositions ; elles y figureraient en bonne place, côte à côte avec celles des poètes bretons en vue : M. du Breil de Pontbriand, le vicomte de Lorgeril, Hippolyte de la Morvonnais, Édouard Turquety. Il refuse, sans qu’on sache trop pourquoi, avec une certaine hauteur. Est-ce pour faire pièce à son oncle ? Est-ce crainte d’être éclipsé par ces illustrations de province ? On trouve, dans une de ses lettres, un aveu qui est à retenir, car il vient du plus profond de sa nature : il se reconnaît orgueilleux, et doué « d’une envie de dominer plus forte parfois que sa volonté même ». Cet instinct dominateur, il l’exerce à plein sur le tendre et timide Rouffet. Il le conseille, et il le protège il ne cherche point, chose remarquable, à lui imposer ses opinions philosophiques ; il le tance, à l’occasion, d’exprimer dans ses vers, lui, « disciple du Christ », le désir de la mort et le découragement de ta vie il s’entremet pour placer ses vers au Dinannais, ou pour lui chercher un emploi dans une étude ; il lui communique ses jugements sur les nouveautés littéraires,