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LECONTE DE LISLE

ments qui révélaient un tout autre personnage que « la demoiselle » qu’on avait annoncée.

Au moment où partait cette lettre, Leconte de Lisle avait déjà quitté la ville où il avait été vu d’un si mauvais œil. L’oncle, qui tenait à conserver intacte sa respectabilité bourgeoise et à ne se point brouiller avec la préfecture, s’était empressé d’évacuer sur Rennes ce neveu indocile et frondeur, qui risquait de faire scandale dans la société dinannaise, et de briser son avenir administratif[1]. On l’y avait logé non pas peut-être dans le quartier sain et aéré qu’aurait voulu son père, mais à deux pas d’un parent qui devait veiller discrètement sur lui. Il attendait là l’ouverture des cours de la Faculté de Droit, quand il découvrit que, pour prendre sa première inscription, il lui fallait exhiber un diplôme de bachelier ès lettres. Personne dans la famille ne s’en était avisé. Il fallut en référer à Bourbon. M. Leconte de Lisle, le père, déclara l’examen en question « ridicule » l’exigence « absurde », et s’en prit tout droit au ministère : « Je ne sais, en vérité, écrivait-il, quand le gouvernement cessera de faire des sottises. » Force fut bien de s’incliner, et de se mettre en devoir de remplir les formalités préliminaires : production d’un acte de naissance, d’une autorisation paternelle, toutes pièces à faire venir de Bourbon. Il y en avait pour plus de six mois. Après avoir séjourné à Rennes jusque vers la mi-janvier 1838, Leconte de Lisle s’en retourna à Dinan. Mais, si peu de temps qu’il eût passé dans la capitale de la Bretagne, il l’avait bien employé, selon ses goûts. Il y avait noué des relations littéraires avec deux poètes de son âge. L’un, Robiou de la Tréhonnais, un ridicule qui écrit, dira Leconte de Lisle, des vers sans rime ni raison, et qu’il prendra volontiers pour tête de Turc. L’autre, Julien Rouffet, un garçon doux, sentimental et pieux, qui ne tardera pas à quitter Rennes pour Lorient, où il exercera la profession de clerc de notaire. Entre les deux amis s’échangera, du début de 1838 à la fin de 1840, une correspondance assidue dont la partie la plus précieuse, je veux dire les lettres de Leconte

  1. Il venait d’être nommé maire de la ville en juillet 1837.