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LES ANNÉES DE JEUNESSE

n’a jamais été dans ses goûts… Nous désirons vivement, Élysée et moi, qu’il puisse tenir son rang, qui le force à sortir des habitudes de trop de laisser aller qui lui sont naturelles. Si je me sers du mot rang, je veux dire tout simplement une bonne société. Peu soucieux qu’il était ici de voir le monde, nous craignons qu’il vive trop retiré, ce qui est toujours peu avantageux pour un jeune homme, lorsqu’il est destiné, si rien ne s’y oppose, à entrer dans la magistrature… »

Ses parents veulent donc qu’il ait des maîtres de dessin, de musique, d’escrime et de danse, et on prévoit dix francs par mois pour ses menus plaisirs, en recommandant que l’oncle soit inflexible sur la reddition des comptes : « Cela lui apprendra à avoir de l’ordre. Il n’est point habitué à garder de l’argent. Dans le principe, ne lui confie que l’argent de ses plaisirs et de ses leçons particulières, non qu’il soit aucunement capable d’en mésuser, mais il est si étourdi qu’il laisserait son secrétaire ouvert, et il pourrait être dupe. Lorsqu’il sera habitué à soigner lui-même ses affaires, il est digne de toute confiance : lui aussi sera un honnête homme. »

Tel qu’il est, avec sa touche familière et franche, qui ne dissimule point les ombres, d’ailleurs légères, ce portrait nous peint au vif un jeune créole, d’excellente famille, bien élevé, un peu insouciant et désordonné, sympathique en somme. Telle ne fut pas l’impression qu’il produisit sur ses parents de Dinan. Dès le premier jour, l’oncle et le neveu à la mode de Bretagne sentirent qu’ils ne s’accorderaient guère. En écrivant à Bourbon pour annoncer l’arrivée du voyageur, M. Louis Leconte crut devoir signaler qu’il avait remarqué chez lui de la tendance à la coquetterie, un peu de vanité et d’amour-propre. Trois mois après, nouvelle lettre, qui était, celle-là, un véritable réquisitoire. Charles était accusé « d’affecter un mépris sauvage pour tout ce qu’on est convenu de respecter dans la société d’être froid et inégal de caractère, de manquer de politesse on lui reprochait ses opinions républicaines, sa prétendue myopie qui n’était qu’affectation et pose, ses dépenses exagérées pour sa toilette, ses achats excessifs de livres ; enfin certains déporte-