Ce qu’il nous faut à nous, c’est l’étude sans trêve,
C’est l’effort inouï, le combat non pareil,
C’est la nuit, l’âpre nuit de travail, d’où se lève
Lentement, lentement, l’Œuvre, ainsi qu’un soleil !
Ces théories, qui convenaient admirablement à une nature volontaire et tenace, elles ne s’accordaient guère avec le tempérament capricieux et fantasque du « Pauvre Lelian », tout en impressions, en sautes d’humeur, en incartades, tel qu’il apparaissait déjà dans certaines pièces du livre, tel qu’il devait se révéler de plus en plus clairement dans les Fêtes galantes et dans les Romances sans paroles. Et quinze ans plus tard, l’auteur de Jadis et Naguère livrait aux méditations de ses contemporains un Art Poétique qui ne devait plus rien aux leçons de Leconte de Lisle. « De la musique avant toute chose », une certaine affectation dans le langage d’imprécision et d’impropriété, la recherche de la nuance — « Pas la couleur, rien que la nuance » — et un profond mépris pour la rime, tels en étaient les principaux préceptes :
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.
Que ton vers soit la bonne aventure
Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.
Et si, par son inspiration initiale, il se rattachait étroitement à Baudelaire, il avait passé jadis par le Parnasse et par le salon du boulevard des Invalides, ce Stéphane Mallarmé qui, quelques années plus tard, dans ses Divagations, proclamait l’abolition des règles traditionnelles, l’anarchie métrique, la liberté acquise à chaque poète de façonner à son gré l’instrument dont il prétendait se servir qui préconisait le vers faux et le vers polymorphe, confondait la poésie avec la musique, et bannissait de l’art nouveau l’expression claire de la pensée et la représentation directe des choses, « pour ne garder de rien que la suggestion ».