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LECONTE DE LISLE

raments moins originaux et les caractères moins fortement trempés. Sa discipline, comme toutes les disciplines un peu rudes, broyait les faibles et réussissait aux forts. Mais les premiers eux-mêmes eurent-ils tellement à s’en plaindre ? et ne leur fut-elle point salutaire jusque dans sa rigueur ? Catulle Mendès, vers la fin de sa carrière, regretta d’avoir marché trop docilement dans l’ombre du grand homme. Mais cet esprit facile, ondoyant et superficiel, qui a gaspillé beaucoup de talent et de labeur dans une foule d’œuvres de tout genre dont aucune probablement ne restera, s’il avait quelque mea culpa à faire, c’était plutôt de n’avoir pas mieux suivi les préceptes et les exemples que Leconte de Lisle lui avait donnés, et on est porté à croire qu’il ne se fût pas élevé très haut dans l’estime des lettrés, s’il n’avait pas eu la bonne fortune de rencontrer sur son chemin, tout au début de sa carrière, le maître que sur le tard il s’avisa de renier. Ce qui est positif, c’est que si on prend les uns après les autres les jeunes gens qui ont composé les deux générations de l’école parnassienne, celle d’avant 1870, et celle d’après, parmi ces poètes dont plusieurs au demeurant sont devenus de remarquables prosateurs, on n’en trouve guère que trois ou quatre qui aient été, au sens étroit du mot, des disciples, et dont l’œuvre apparaisse comme une ramification ou un prolongement de celle de Leconte de Lisle. Sans lui peut-être, Léon Dierx n’aurait pas exprimé en vers graves et purs cette tristesse hautaine, cette adoration de la beauté, ce sentiment profond de la nature qui sont les inspirations essentielles de sa poésie. Sans lui peut-être, Jean Lahor n’aurait pas tourné sa curiosité vers les littératures orientales, ni chanté « l’Illusion », ni célébré « la gloire du néant », ni développé ce panthéisme naturaliste et ce « pessimisme héroïque » auxquels s’est complu sa pensée. Sans lui enfin, celui qui s’est proclamé lui-même son « élève bien-aimé » n’aurait pas conçu le dessein, qu’il a brillamment réalisé, de faire tenir en une centaine de sonnets une vision magnifique de l’histoire et du monde. Mais quelle que soit la dépendance qu’il y ait de la poésie de Heredia à la poésie de Leconte de Lisle, on ne saurait confondre les fresques grandioses de l’un avec les ciselures d’un merveilleux fini ou les émaux d’un