belle statue, il voulait qu’elle demeurât exhaussée, parexemple ce sonnet — intitulé Le Présage — d’un tour spirituel et d’un humour un peu acide qu’on n’est pas habitué à rencontrer dans son œuvre :
C’était une adorable enfant : œil noir et doux,
Lèvre en fleur, entr’ouverte avec un frais sourire,
Tout un charme vivant qui ne peut se décrire.
Un petit chien soyeux jouait sur ses genoux.
Après avoir longtemps lissé ses fines tresses,
L’avoir serré contre elle en disant : Mon amour !
La despote aux grands yeux, belle comme le jour,
Le mordit jusqu’au sang au milieu des caresses.
Puis redoublant de soins flatteurs, pour apaiser
L’humble gémissement qui lui plaisait dans l’âme,
Elle le consola d’un rapide baiser.
Et je vis que c’était déjà toute la femme
L’amour dans le caprice et dans la cruauté,
Telle que Dieu l’a faite et pour l’éternité[1].
Cet amer badinage n’en exprime pas moins, sous sa forme tégére, un aspect de sa philosophie de l’amour, telle que nous la trouvons éparse çà et là dans des poèmes d’une allure plus grave, d’où le paradoxe est banni.
La passion lui était apparue, au temps de sa jeunesse, quand il était sous le prestige du romantisme, comme une exaltation sacrée, source de souffrance pour l’homme, mais aussi source de grandeur :
Désirs que rien ne dompte, ô robe expiatoire,
Tunique dévorante et manteau de victoire[2] !
Il conserva toujours un culte pour elle, et s’il reprocha quelque chose à son siècle, nous le savons, ce fut de manquer d’enthousiasme et de vivre sans passions. De la passion par excellence, de l’amour, il vit, selon les temps sans doute et les circonstances, les bons et les mauvais côtés, surtout les mauvais. Il le regarda