beauté, pour qui les soixante ans bien sonnés de Leconte de Lisle retrouvaient l’ardeur et la flamme de ses jeunes années. Et dans l’intervalle, quelque quinze ans plus tôt, une jeune femme, une brune au teint mat, d’une beauté royale et orientale, avait fait sur son cœur sensible une impression profonde ; c’est pour elle, nous dit-on, qu’il avait écrit cette romance de couleur persane, qui semble une inspiration de Saadi :
Les roses d’Ispahan, dans leur gaine de mousse,
Les jasmins de Mossoul, les fleurs de l’oranger
Ont un parfum moins frais, ont une odeur moins douce,
Ô blanche Leïlah ! que ton souffle léger[1] !…
L’amour, qui avait si souvent traversé, troublé ou consolé sa vie, l’accompagna jusqu’au terme du pèlerinage. Il éclaira et réchauffa d’un rayon un peu pâle — un rayon de soleil d’hiver — le déclin de sa vieillesse. Les derniers vers, ou à peu près, qu’il écrivit, ce sont des vers d’amour, ces strophes du Sacrifice, étonnantes de verdeur et de fougue, où il souhaite de souffrir et de mourir pour celle qu’il aime :
Et je voudrais, le cœur abîmé dans ses yeux,
Baigner de tout mon sang l’autel où je l’adore[2] !
Ce sont, plus tardivement encore, les deux quatrains descendant, comme une suprême bénédiction, sur celle par qui il avait senti
pour des heures trop brèves
Sa jeunesse renaître et son cœur refleurir[3],
celle qui avait donné à ce cœur nostalgique l’illusion de recommencer le rêve de la vie, et qui lui avait rendu « le matin de ses jours ».
On est bien forcé, après cela, de convenir que, selon le mot d’un des plus fidèles disciples de Leconte de Lisle, « les femmes ont beaucoup compté dans sa vie ». Et il paraît difficile de soutenir