beauté, aux regards à la fois doux et brûtants, où le soleil du midi a mis ses flammes. Le poète ne va point de l’une à l’autre ces deux images qui passent devant ses yeux ne s’excluent point ; le cœur qu’elles enflamment les contient à la fois et les chérit toutes les deux. Laissons-le parler ; la pureté n’a pas de plus fervent dévot :
Que nulle main profane, ô fantôme léger !
N’ose, même en tremblant, toucher ta robe blanche
Que nul baiser mortel n’effeuille l’oranger,
Que la fleur de l’Éden en parfume la branche !
Et si, de loin, j’adore, en son azur natal,
Ta grâce, ô jeune Esprit revêtu de mystère,
Qui pourrait effacer mon bonheur idéal ?
Serait-ce vous, douleurs et fièvres de la terre ?
Mais aussitôt une autre voix se fait entendre, une voix qui gronde d’impatience et tremble de désir :
C’est un nom, un seul nom mille fois répété
Dans les pleurs de l’attente ou les larmes d’ivresse,
C’est l’heure qui contient une immortalité,
C’est ton vol d’aigle et d’ange, ô rapide jeunesse !
C’est la mer où l’on puise et qui ne peut tarir,
Dont le flot nous altère autant qu’il nous enivre
C’est la félicité dont on voudrait mourir
Et le tourment sans fin dont je veux toujours vivre[1] !
De ces deux amours, c’est l’amour pur et chaste qui l’emporta, mais seulement après que la passion eut fini, comme finissent d’ordinaire les passions, dans le déchirement et dans les larmes. Le poète raya de son œuvre le chant alterné dont une des voix ne se faisait plus entendre il n’en retint que les quelques strophes qui, sous le titre d’Épiphanie, trouvèrent asile beaucoup plus tard dans les Poèmes Tragiques.
Elle passe tranquille, en un rêve divin,
Sur le bord du plus pur de tes lacs, ô Norvège !…
Mais l’encens, cette fois, était brûlé sur un autre autel l’hommage discret que ces stances expriment s’adressait à une autre
- ↑ Poésies Barbares, 1862 : Les deux Amours.