laquelle tombe l’hémistiche, en mettant à cette place un proclitique, une préposition notamment, et même une syllabe muette.
D’un bout à l’autre de la salle à voûte épaisse…
Mais il le balance en général d’une façon beaucoup plus régulière et plus classique que lui. En fait d’autres mètres, il n’a guère employé que l’octosyllabe, et aussi le décasyllabe scindé en deux mesures égales :
Couronnés de thym et de marjolaine,
Les Elfes joyeux dansent sur la plaine[1].
C’est là, sauf erreur, une coupe qu’il a été, avec Théodore de Banville, un des premiers à pratiquer. Ces rythmes, plus rapides et plus courts, il les a réservés à certains sujets, où ils étaient nécessaires. Mais le plus ordinairement il s’est servi de rythmes graves, majestueux, un peu lents et lourds, massifs comme est souvent sa poésie elle-même : le tercet, le quatrain à rimes croisées ou embrassées la strophe de cinq vers qui n’est qu’un quatrain à rimes croisées, ralenti et alourdi encore par l’insertion en son milieu d’un vers supplémentaire qui triple l’une de ses deux rimes. Le quatrain est exactement à la mesure de sa phrase poétique et en suit on ne peut mieux le mouvement. Il y a même, dans certains de ses poèmes, des tirades entières d’alexandrins à rimes plates qui se décomposent, non sans quelque monotonie, en groupes de quatre vers. Il ne faudrait pas conclure de ces remarques que la métrique de Leconte de Lisle soit totalement dépourvue de variété et de souplesse ; mais il est juste de reconnaître qu’elle s’adapte mieux aux grandes images et aux sentiments profonds qu’aux conceptions gracieuses et légères, et que, prise dans son ensemble, elle achève de donner à son œuvre le caractère d’ampleur, de majesté, et même, si l’on veut, de solennité, qui en demeure le trait le plus apparent.
- ↑ Poèmes Barbares : Les Elfes.