Les uns sont larges et graves comme le murmure des forêts agitées par la brise :
Le vent d’automne, au bruit lointain des mers pareil,
Plein d’adieux solennels, de plaintes inconnues,
Balance tristement, le long des avenues,
Les lourds massifs rougis de ton sang, ô soleil[1] !
Les autres sont limpides et frais comme une voix de femme qui monte en chantant dans la nuit :
Jeune, éclatante et pure, elle emplit l’air nocturne,
Elle coule à flots d’or, retombe et s’amollit,
Comme l’eau des bassins qui, jaillissant de l’urne,
Grandit, plane et s’égrène en perles dans son lit[2].
D’autres sont durs, déchirants, métalliques :
Vos divines chansons vibraient dans l’air sonore,
Ô jeunesse, ô désirs, ô visions sacrées,
Comme un chœur de clairons éclatant à l’aurore[3] !
D’autres sont doux, apaisés et chuchotants :
Sur son cceur enivré pressant sa bien-aimée,
Réchauffant de baisers sa lèvre parfumée,
Çunaçépa sentait, en un rêve enchanté,
Déborder le torrent de sa félicité !
Et Çanta l’enchantait d’une invincible étreinte !
Et rien n’interrompait durant cette heure sainte,
Où le temps n’a plus d’aile, où la vie est un jour,
Le silence divin et les pleurs de l’amour[4].
Mais si l’on veut mesurer jusqu’à quel degré d’exquise finesse et de subtilité ingénieuse va chez Leconte de Lisle le sens des sonorités, il n’est que de comparer entre elles les deux strophes d’une si parfaite harmonie dont l’une commence et l’autre termine le gracieux poème intitulé La Vérandah. La première, avec ses sept vers sur deux rimes, les deux derniers reprenant en sens inverse les deux premiers, avec ses allitérations et ses voyelles sourdes