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L’ART

ou bien l’aigle attaché par ses ongles de fer au col de l’étalon sur lequel il s’est abattu,


Et plongeant son bec courbe au fond des yeux qu’il crève.


Rarement Leconte de Lisle dépasse le nombre de trois ou quatre personnages, du moins de trois ou quatre personnages principaux. Quant aux scènes tumultueuses, qui plaisent à l’imagination tourmentée d’un Hugo, il ne les recherche pas il les éviterait plutôt. Ce n’est pas, quand il veut, qu’il n’y réussisse. Dans Le Combat homérique, la mêlée des guerriers, tourbillonnant comme un essaim de mouches au soleil, donne une impression de grouillement. Dans Les Paraboles de Dom Guy, la ripaille des moines attablés dans le réfectoire de leur moutier, ressemble à une kermesse de Téniers :


Cent moines très joyeux, à la trogne fleurie,
Entonnant les bons jus de Touraine, plongeant
Les dix doigts dans la viande écharpée, aspergeant
De sauces et de vin leurs faces et leurs ventres,
Semblaient autant de loups sanglants au fond des antres.
Derrière ces goulus, non moins empressés qu’eux,
Convers et marmitons, avec les maîtres-queux,
Les caves où cuisaient les choses étant proches,
Comblaient les plats vidés, dégarnissaient les broches,
Allant, venant, courant, suant, vrai tourbillon
De diables tout mouillés des eaux du goupillon.


Mais ce sont là, dans son œuvre, tableaux exceptionnels. Un de ses plus beaux poèmes, Le Massacre de Mona, a pour sujet le carnage qui est fait de tout un peuple. Il semblerait qu’il y eût là matière à des scènes animées et violentes. Il n’en est rien. La majeure partie du poème est remplie par le long récitatif du barde évoquant les traditions anciennes, et la tuerie est expédiée au dernier moment, en sept ou huit vers. Même dans les paysages bourboniens, où la vie pullule, ce pullulement se fait avec ordre et, si l’on peut dire, avec calme, et sans que rien soit troublé de l’harmonie du morceau.

S’il évite instinctivement les actions trop vives et les scènes trop compliquées, c’est qu’elles s’accorderaient mal avec ses