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L’ART

c’est le Cyclope, « énorme, couché sur un roc écarté », en face de la mer aux volutes bleues ; c’est le pasteur sicilien gardant son troupeau de béliers, de boucs et de chèvres, allongé aur le thym sauvage et l’épaisse mélisse, s’appuyant sur son coude, et se laissant baigner de lumière ; c’est Ktéarista qui


S’en vient par les blés onduleux,
Avec ses noirs sourcils arqués sur ses yeux bleus,
Son front étroit coupé de fines bandelettes,
Et sur son cou flexible et blanc comme le lait
Ses tresses où parmi les roses de Milet
          On voit fleurir les violettes.


Ouvrez les Poèmes Barbares ou les Poèmes Tragiques, vous trouverez d’autres figures, d’un autre galbe et d’une autre couleur, mais conçues de la même façon et traitées par le même procédé : la Persane royale, immobile,


Derrière son col brun croisant ses belles mains,
Dans l’air tiède, embaumé de l’odeur des jasmins,
Sous les treillis d’argent de la vérandah close[1] ;


Qain, debout au faîte d’Hénokhia, regardant l’ombre et le désert antique


Et sur l’ampleur du sein croisant ses bras velus


ou le dernier Sagamore des Florides, assis à l’indienne contre un des troncs géants de la forêt :


                            dressant son torse tatoué
D’ocre et de vermillon, il fume d’un air grave,
Sans qu’un pli de sa face austère ait remué[2].


Et si nous passons aux animaux, c’est le lion s’étirant au seuil de son antre, le tigre dormant dans l’herbe, le ventre en l’air ; c’est le loup assis sur ses jarrets et hurlant à la lune, ou le condor immobile dans les hauteurs glacées du ciel. Nombre de ces sujets

  1. Poèmes Barbares : La Vérandah.
  2. Poèmes Tragiques : Le calumet du Sachem.