d’esprit et de caractère, il n’a accordé à Alfred de Vigny qu’une
estime tempérée de réserves ; si, au contraire, il a exprimé pour
Victor Hugo, dont les idées étaient, sur beaucoup de points,
en désaccord avec les siennes, une admiration enthousiaste,
c’est que ni chez le premier, ni chez le second, mais chez celui-ci
seulement il reconnaissait une vision des choses analogue à sa
propre vision. Il l’a loué d’avoir « saisi d’un œil infaillible le
détail infini et l’ensemble des formes, des jeux d’ombre et de
lumière ». C’est que lui-même avait conscience de les saisir
avec autant de puissance et de les regarder du même œil. Toute
la différence entre eux, c’est qu’il ne les déforme pas. L’imagination de Leconte de Lisle, c’est l’imagination
du Victor
Hugo de la première manière, du Victor Hugo d’avant l’exil,
la solitude et le prophétisme. Dans la revue que l’auteur des
Poèmes Barbares a faite de l’œuvre immense accomplie par
son prédécesseur, il a réservé une place privilégiée aux Orientales. Sans doute, c’est qu’il avait reçu des Orientales, comme il
le dit lui-même, la révélation de la nature et la révélation de
l’art. Mais c’est aussi, mais c’est surtout que ce recueil, le plus
objectif le plus plastique des premiers recueils lyriques de
Victor Hugo, lui avait révélé sa propre conception de la nature
et sa propre conception de l’art.
Subordination du sentiment personnel à la représentation pittoresque, goût des belles formes, brillantes et pures, objectivité et plasticité, qui, à ce double caractère, ne reconnaîtrait pas dans ce poète dont on a voulu faire un Celte, sous prétexte qu’il était né d’un père Breton — lequel était Normand, — ou un Hindou ou un Scandinave, l’un des héritiers les plus directs et des représentants les plus qualifiés que nous ayons dans notre littérature de l’art méditerranéen par excellence, de l’art gréco-latin. Et ne voyons pas ici seulement l’effet de l’éducation reçue, ou de l’imitation volontaire, ou des sujets choisis. D’autres poètes, en