L’idée première en remonte fort loin, au séjour de Leconte de Lisle en Bretagne. Il la développa à cette époque en une dizaine de quatrains octosyllabiques dédiés à une de ses sœurs et glissés dans une nouvelle[1] que La Variété inséra en 1841. Le poète s’y adresse aux brises, aux brises du printemps, aux brises de son pays peut-être :
Ô brises qui venez des cieux,
Et qui riez sur toutes choses !
De vos baisers capricieux
Pourquoi ravir l’encens des roses ?
Il leur reprochait, à ces brises folles courant de la montagne à la
grève, de sécher en passant la rosée dans le calice des fleurs ;
et il reprochait aux chimères de l’amour et de la jeunesse, à ces
« brises du cœur » comparables aux brises des champs, de passer
elles aussi, sur les âmes, en emportant leurs illusions et leurs
espoirs. Le morceau appartenait au genre sentimental qu’en ce
temps-là il cultivait encore volontiers. Il n’était plus compatible
avec la nouvelle manière qu’il avait inaugurée dans ses « poèmes
grecs ». Il ne voulut pas toutefois perdre un mouvement qu’il
jugeait gracieux. L’invocation aux brises du printemps, aux
brises de Bourbon ou de la France, devint une invocation aux
brises de l’Ilyssos et de l’Eurotas, de l’Ionie et de l’Attique,
de la Sicile et de l’Italie, aux brises qui avaient soupiré d’amour
sur les lèvres de Théocrite, ou entendu le Mantouan parler
d’Amaryllis :
Ô vous que parfuma l’égile,
Souffles, invisibles liens
Des douces flûtes de Virgile
Et des roseaux siciliens,
Brises des mois fleuris, brises harmonieuses,
Pteines d’un frais encens, compagnes des beaux jours,
Sur terre et dans les cieux, oh ! puissiez-vous toujours
Planer de vos ailes joyeuses
- ↑ Une peau de tigre.