l’humanité. Dieu, disent-ils, a divisé la race humaine en un certain nombre de familles.
L’une de ces familles s’appelle les savants, une autre les guerriers, une autre les mystiques, une autre tes philosophes, une autre tes industriels, une autre les administrateurs… Toutes sont nécessaireset doivent concourir également au progrès de l’homme en bien-être, en sagesse, en vertu, en harmonie. Mais il en est encore une qui résume la grandeur et le mérite de toutes les autres car elle s’en inspire, elle s’en nourrit, elle se les assimile elle les transforme pour les agrandir, les embellir, les diviniser en quelque sorte en un mot, elle les propage et les répand sur le monde entier, parce qu’elle parle la langue universelle… Cette famille est celle des artistes et des poètes.
Les hommes, qui pourtant ont c besoin des créations et des prestiges de l’art pour sentir que la vie est autre chose qu’une équation d’algèbre », traitent les artistes « comme les accessoires frivoles d’une civilisation raffinée ». Ils prétendent les réduire au rôle de simples amuseurs. Mais les vrais artistes refusent d’abjurer et de trahir la vérité. Peu leur importe d’être incompris de leurs contemporains ; ils « travaillent en martyrs du présent pour la postérité ». Ils refusent, pour se rendre intelligibles, de rétrécir et d’abaisser leur forme, parce que « l’art est une forme et rien autre chose », et que si on abaisse et si on rétrécit cette forme au gré des gens qui n’aiment pas le beau et le grand, il n’y a plus d’art. Or, l’art, le grand art, est indispensable à la vie humaine. C’est lui qui, par le sentiment de la beauté infinie, élève les âmes vers l’idéal, qui aide les hommes à gravir les degrés de cette échelle de Jacob dont le sommet se perd dans les nuées célestes. La métaphysique s’évertue à prouver Dieu, mais la poésie le révèle. Et l’on retrouve ici l’article premier et essentiel du credo littéraire de Leconte de Lisle, à savoir que, dans la hiérarchie intellectuelle, l’art et les artistes sont placés au sommet : conviction qui fut encore affermie en lui par le fâcheux succès de ses expériences politiques, et qu’il mit, nous l’avons vu, toute son éloquence à faire partager par son ami Louis Ménard.
Une autre scène, d’un caractère tout différent, met en présence un poète, un peintre, un musicien et un critique. Ni ce poète, ni ce peintre, ni ce musicien ne sont de ces grands et vrais artistes dont George Sand parlait tout à l’heure. Il n’y a en eux qu’or-