Une lueur amie
Advient fraîchir ma vie
Léger soupir du soir,
Puis jusqu’en ma pensée
Délirante d’amour,
D’odorance enivrée,
Semble un rayon du jour.
Oh ! laissez-moi chanter !
Qu’importe ma faiblesse ?
Car flamme enchanteresse
En moi paraît glisser,
Comme aux flots s’insinue
L’astre aux pâles rayons,
Et mon âme est émue
D’inconnus et doux sons !
Au long sentier des roses
J’irai par légers pas ;
Je parlerai tout bas
Et de petites choses…
Puis le ton s’affermit, la facture devient plus solide. Une autre pièce traite un thème courant chez les poètes de l’époque impériale en octosyllabes attendris et galants qu’on pourrait glisser sans disparate dans un recueil de Millevoye :
Jeune beauté, de ton empire
Jouis aux heures du printemps,
Car ce règne si doux expire
Et tous ces charmes qu’on admire
Cèdent aux insultes du temps…
Enfin, voici quatre pièces aux titres éloquents : Sa voix, L’Aveu, La Désillusion, Le Souvenir, qui sont comme quatre chapitres en vers du petit roman qui nous a été conté tout à l’heure. L’une d’elles esquisse le portrait de l’objet aimé :
Jamais d’un front plus blanc, plus doux et blonds cheveux,
En contours gracieux, en soyeuse auréole,
Ne tombèrent ainsi sur un cou plus neigeux
Et sur une plus rose épaule.
Une autre tâche à définir le charme de sa voix :
Sa voix est le parfum tombé de l’aubépine,
Vierge blanche qui dort au front de la colline
Sur son lit de bluets…
Une autre, en des termes où la virtuosité déjà remarquable de la forme traduit la sensation toute vive, et qui font penser à l’ode fameuse de Sapho, exprime le trouble du jeune homme en présence de celle qu’il aime :
Sais-tu que ton œil pur est mon ciel azuré ?
Sais-tu que ton regard est ma divinité ?