Iambes d’André Chénier. Mais il semble plus qu’aventureux de
faire dériver les Odes de Victor Hugo de l’Ode sur le serment du Jeu de Paume, ou les Méditations et les Harmonies des Élégies et
des Épîtres ; et l’on s’étonne que, parmi les disciples de Chénier,
le critique de La Variété oublie justement de nommer celui qui
tient de lui la tradition du « poème », l’auteur de Symétha et de
la Dryade, le seul ou à peu près de la première génération romantique qui ait cherché à faire « du Chénier ». N’est-ce pas, d’autre
part, un paradoxe, que de présenter la poésie artificielle et livresque de l’auteur des Bucoliques comme un produit de l’inspiration créatrice et du génie spontané ? Mais la justesse des vues
historiques de Leconte de Lisle n’importe pas ici. Ce qu’il y a lieu
de retenir, c’est le goût qu’il manifeste pour cette littérature
châtiée, raffinée et savante, si opposée aux effusions sentimentales
en alexandrins verbeux et prosaïques ou aux plats couplets de
romance que lui-même avait pris et qu’on prenait encore, trop
souvent, pour la poésie véritable. André Chénier lui révéla le prix
et la beauté d’une forme accomplie, et, comme on a dit depuis,
impeccable. Il développa chez lui la conscience littéraire et le
besoin impérieux de la perfection.
Vers 1840, Leconte de Lisle comprenait donc toute l’importance de l’art. Mais sur l’art en général, aussi bien que sur son art, il n’avait encore que des idées assez confuses. Les premières qu’il ait exprimées ont ce caractère de généralité qui plaît d’ordinaire aux tout jeunes gens. Il est séduit par la théorie de l’union, ou de l’interpénétration des arts, idée chère aux romantiques, que Vigny, notamment, dès 1825, avait développée dans un fragment assez peu connu dédié aux Mânes de Girodet. Chaque art, pris en particulier, musique, peinture ou poésie, est une harmonie ces trois harmonies se complètent, et en s’unissant l’une à l’autre, forment une harmonie totale qui, au sens absolu du mot, est