Puisque ici-bas toute âme
Donne à quelqu’un
Sa musique, sa flamme,
Ou son parfum, etc…
« Que Dayot étudie cela s’écrie-t-il ; voilà tout le secret de l’élégie. » Nous sommes encore loin, reconnaissons-le, des Poèmes Antiques. Mais reconnaissons aussi que s’il fallait à tout prix suivre la mode et composer des romances, encore était-ce prouver quelque sens artistique que de recommander de les écrire à la façon de Victor Hugo.
À ce sentiment, le séjour en France, la fréquentation d’une société plus lettrée que la société de l’île, de camarades plus instruits et moins paresseux que les jeunes créoles de Saint-Paul, la lecture et l’étude vont donner un développement rapide. Dès la fin de 1838, on trouve dans la correspondance avec Rouffet des passages où se révèle un jugement littéraire déjà aiguisé et personnel. Cette année 1838 est celle où ont paru Jocelyn et Ruy Blas. On s’attendrait que notre apprenti littérateur, entraîné par le goût de son âge pour la nouveauté, et romantique convaincu, parlât de l’un et l’autre ouvrage avec l’enthousiasme d’un disciple, qu’il en louât aveuglément les défauts autant que les qualités. Point du tout il donne son opinion avec le flegme, l’impartialité et la mesure d’un critique expérimenté :
Je me suis décidé enfin à lire Jocelyn ; je vous avoue que ça n’a pas été sans peine. Je savais M. de Lamartine très capable, sans nul doute, de rendre avec vérité une existence aussi remplie de poésie par elle-même mais je me doutais aussi qu’il sacrifierait souvent la douce et gracieuse peinture que comportait un tel sujet au vague prétentieux qui abonde dans ses plus beaux ouvrages. Il y a des morceaux charmants dans Jocelyn, des pages magnifiques de haute poésie. La peinture de la nuit à la Grotte aux Aigles est vraiment sublime, et l’on rencontre des pièces exquises de sentiments et d’intimes douleurs ; mais aussi vous avouerez qu’il y a bien des longueurs qui affadissent de beaucoup le charmant et incorrect ouvrage.
La sentence, dans l’ensemble, est sévère, et certains mots sont particulièrement durs. Le drame de Victor Hugo n’est pas traité avec plus d’indulgence. Leconte de Lisle en fait consciencieusement l’analyse, à l’intention de son ami, et il ajoute : « À part la mise en scène qui déplaît généralement, à part un style souvent