nature pleine de parfums, de couleurs, de mouvement et de bruit, laisse le lecteur ébloui et émerveillé. En contemplant ces tableaux d’où l’homme, le plus souvent, est exclu, où il n’occupe, quand il y trouve sa place, qu’une portion très exiguë, il apprend à s’estimer soi-même, comme disait Pascal, son juste prix. Il se considère comme perdu dans l’ample sein de la nature, simple dépositaire, parmi tant d’êtres dont beaucoup sont plus beaux et plus forts que lui, d’une étincelle de cette vie qui partout germe, éclôt, palpite, étincelle, s’agite, soupire, gronde, bourdonne et chante. Le sentiment de la vie universelle, telle est l’impression la plus profonde que le poète a reçue de son contact avec la nature, et telle est aussi l’impression qu’à notre tour nous recevons le plus fortement de son œuvre ; et cette impression est tout d’abord délicieuse :
Ce sont des chœurs soudains, des chansons infinies,
Un long gazouillement d’appels joyeux mêlé,
Ou des plaintes d’amour à des rires unies
Et si douces pourtant flottent ces harmonies,
Que le repos de l’air n’en est jamais troublé.
Mais l’âme s’en pénètre : elle se plonge, entière,
Dans l’heureuse beauté de ce monde charmant ;
Elle se sent oiseau, fleur, eau vive et lumière ;
Elle revêt ta robe, ô pureté première,
Et se repose en Dieu silencieusement[1].
Cette fuite de la personnalité comme par mille invisibles fissures, cette diffusion à travers les choses, cette dispersion dans l’infini, répand dans l’être tout entier une sensation d’allègement ; elle le débarrasse de ce poids mort fait d’espoirs avortés, de songes déçus, de souvenirs amers et de tristes pensées que l’homme traîne après lui tout le long de son existence ; elle l’affranchit et le vide, pour ainsi dire, de lui-même :
Et l’âme qui contemple et soi-même s’oublie
Dans la splendide paix du silencedivin,
Sans regrets ni désirs, sachant que tout est vain,
En un rêve éternel s’abîme ensevelie[2]