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LES ORIGINES, L’ENFANCE ET L’ADOLESCENCE

turément. Mais son image ne cessa de hanter la mémoire du poète. À plusieurs reprises, séparées par de longs intervalles, il l’évoqua dans ses vers. C’est la vierge en sa fleur, dans tout l’éclat de sa beauté merveilleuse et fragile, que nous entrevoyons, sous ses légers rideaux, dans l’admirable élégie intitulée Le Manchy :



Sous un nuage frais de claire mousseline,
               Tous les dimanches au matin,
Tu venais à la ville en manchy de rotin,
               Par les rampes de la colline…

Et tandis que ton pied sorti de la babouche
               Pendait, rose, au bord du manchy,
À l’ombre des bois noirs touffus et du letchi
               Aux fruits moins pourprés que ta bouche

Tandis qu’un papillon, les deux ailes en fleur,
               Teinté d’azur et d’écarlate,
Se posait par instants sur ta peau délicate
               En y laissant de sa couleur,

On voyait, au travers du rideau de batiste,
               Tes boucles dorer l’oreiller,
Et, sous leurs cils mi-clos feignant de sommeiller,
               Tes beaux yeux de sombre améthyste.

Ainsi tu t’en venais, par ces matins si doux,
               De la montagne à la grand’messe,
Dans ta grâce naive et ta rose jeunesse,
               Au pas rythmé de tes Hindous.
Maintenant, dans le sable aride de nos grèves,
               Sous les chiendents, au bruit des mers,
Tu reposes parmi les morts qui me sont chers,
               Ô charme de mes premiers rêves !


Et, dans L’Illusion suprême, quand l’homme, parvenu auterme de la vie, se retourne vers son passé perdu et emplit une dernière fois ses yeux des visions qui hantaient sa jeunesse, c’est sur celle-là qu’il arrête le plus longtemps son souvenir :


Et tu renais aussi, fantôme diaphane,
Qui fis battre son cœur pour la première fois,
Et, fleur cueillie avant que le soleil te fane,
Ne parfumas qu’un jour l’ombre calme des bois

Ô chère vision, toi qui répands encore,
De la plage lointaine où tu dors à jamais,
Comme un mélancolique et doux reflet d’aurore
Au fond d’un cœur obscur et glacé désormais !