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LA NATURE

précis qu’il avait retenus de ses lectures, il composa cette « galerie zoologique » — le mot est de Louis Ménard — dont aucun de nos poètes, ni avant lui, ni après, ne nous a offert l’équivalent.

Cette galerie est peuplée d’animaux nombreux et variés, appartenant à tous les ordres : quadrupèdes, oiseaux, reptiles et poissons. Mais, de même que la nature, pour Leconte de Lisle, est toujours la nature de l’Extrême-Orient, les animaux qu’il décrit appartiennent à peu près exclusivement à la faune des régions tropicales. La faune européenne ne l’intéresse pas. Elle n’est pas assez féroce à son goût. Il lui est arrivé une fois ou deux de mettre en scène un fauve de nos contrées, ours de Finlande, ou loup du Hartz. Mais ses héros préférés, ce sont les lions et les éléphants de l’Afrique, les chiens sauvages du Cap, la panthère de Java, le tigre du Bengale, le condor des Andes, le python de l’Inde ou l’aboma de l’Amérique. Avec quelle complaisance il les replace tout d’abord dans le cadre approprié ! C’est sur les bords du Nil blanc, dans la plaine rugueuse du Sennaar, jonchée de pierres rousses, sous un ciel de cuivre où passe un vol de vautours, tandis que s’épaissit une nuit pleine de bruits étranges et d’âcres senteurs, ou bien encore, c’est au fond d’un ravin semé de blocs entassés, de flaques d’eau luisantes, dans un décor apocalyptique et lunaire, que nous apparaît le roi du désert. Et le roi de la jungle, lui, c’est dans le fouillis d’herbes hautes où glissent les serpents, où vibrent les cantharides, que nous le voyons, le ventre en l’air, dormir son sommeil de gros chat fatigué et repu. Autour du troupeau d’éléphants dont nous suivons la marche pesante, le sable rouge s’étend comme une mer sans limites, dans une solitude que ne trouble aucun passage d’oiseau ni de quadrupède, sous l’immense soleil qui brûle l’espace enflammé. Du haut de son aire, l’aigle, avec son œil perçant, Voit galoper dans la steppe mongole, à travers l’herbe jaune et drue, la horde d’étalons à laquelle il s’attaquera tout à l’heure ; et le ciel magnifique d’une nuit dorée des tropiques réfléchit à l’infini ses constellations flamboyantes sur les urandes vagues où le requin se laisse indolemment bercer. C’est seulement lorsque la scène est prête que le poète y introduit le bel animal pour lequel a été disposé ce décor.