Ô vous, plaines d’Hellas ! ô montagnes sacrées.
De la Terre au grand sein, mamelles éthérées !
Ô pourpre des couchants ! ô splendeur des matins[1] !…
de cette lumière dont l’éternel été de Bourbon a imbibé les yeux
du poète, qu’il a pour ainsi dire absorbée et concentrée en lui,
et qu’il projette, avec un éclat presque brutal, sur nos cieux
souvent voilés, sur nos campagnes aux tons doux, sur nos horizons noyés de brumes mauves ou de vapeurs bleuâtres
Midi, roi des étés, épandu sur la plaine,
Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.
Tout se tait. L’air flamboie et brûle sans haleine,
La terre est assoupie en sa robe de feu.
De telles journées, qui sont rares dans notre climat, donnaient
au créole exilé et nostalgique l’illusion du pays natal. Il oubliait,
pour un instant, le « ciel mélancolique sous lequel la destinée
l’avait condamné à vivre, « l’avare soleil » qui, désormais, éclairait
ses jours il se croyait revenu « au bord des mers dorées », dans
l’éden d’où il était exclu. Mais on comprend aussi que, dans
les brouillards et les boues de Paris, par les courtes et noires
journées d’hiver, il se soit tourné passionnément
vers les lumineuses contrées dont le mirage éblouissait son imagination, vers
la Grèce, vers l’Orient, et on s’explique la part presque exclusive
qu’il a faite dans ses vers aux tableaux de cette nature lointaine
qui était vraiment pour lui la nature.
Leconte de Lisle est un de nos grands paysagistes. C’est aussi un de nos meilleurs animaliers, le Barye ou le Frémiet de la poésie française. On rencontre, en parcourant son œuvre, sous le couvert des bois, dans les fourrés des jungles, sur les sables du désert ou sous les vagues de l’océan, les plus beaux et les plus redoutables échantillons de la faune sauvage. Il a visiblement pour les
- ↑ Poèmes Antiques : Khirôn.