Par delà les blés mûrs alourdis de sommeil
Et tes sentiers poudreux où croît le térébinthe,
Semblable au clair métal de la riche Korinthe,
Au loin la mer tranquille étincelle au soleil.
Mais sur le thym sauvage et l’épaisse mélisse
Le pasteur accoudé repose, jeune et beau.
Le reflet lumineux qui rejaillit de l’eau
Jette un fauve rayon sur son épaule lisse[1]…
C’est cette campagne que traverse Kléarista, à l’heure où l’aube divine baigne l’horizon clair, tandis que les merles sifflent, que les alouettes montent dans le ciel, que les lièvres bondissent du creux des sillons, pour aller rejoindre le berger de l’Hybla qui la voit venir à lui, dans le brouillard du matin, comme la forme de son rêve. Mais d’autres tableaux nous révèlent une nature de proportions plus vastes, une nature majestueuse et magnifique, divine, pourrait-on dire, où l’œil ne perçoit que les teintes élémentaires, les grandes lignes des choses, le jeu des forces permanentes qui entretiennent la vie du monde, et transmet à l’âme des visions qui prennent d’elles-mêmes un caractère religieux :
Hélios, désertant la campagne infinie,
S’incline plein de gloire aux plaines d’Haimonie ;
Sa pourpre flotte encor sur la cime des monts.
Le grand fleuve Océan apaise ses poumons,
Et l’invincible Nuit, de silence chargée,
Déjà d’un voile épais couvre les flots d’Aigée…
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La nuit tombe des cieux ; le Péliôn énorme
Aux lueurs d’Hékata projette au loin sa forme ;
Et sur la cime altière où dorment les forêts
Les astres immortels dardent leurs divins traits[2].
Mais, que ces paysages appartiennent à la nature bucolique ou à la nature mythique, qu’ils soient riants ou sévères, grandioses ou familiers, tous, ils ont ce trait commun qu’ils sont baignés de lumière, de cette lumière des cieux que savoure en paix le berger d’Agrigente, que contemple avec extase le vieux centaure Khirôn,