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LECONTE DE LISLE

Mettez-les à part, et ce paysage des bords du Gange pourra passer pour un paysage de la Réunion :


Sur les bambous prochains, accablés de sommeil,
Les oiseaux au bec d’or luisaient en plein soleil,
Sans daigner secouer, comme des étincelles,
Les mouches qui mordaient la pourpre de leurs ailes.
Revêtu d’un poil rude et noir, le roi des Ours,
Au grondement sauvage, irritable toujours,
Allait, se nourrissant de miel et de bananes.
Les singes oscillaient, suspendus aux lianes.
Tapi dans l’herbe humide, et sous soi replié,
Le tigre au ventre blanc, au souple dos rayé,
Dormait ; et, par endroits, le long des vertes îles,
Comme des troncs pesants flottaient les crocodiles[1].


Si vous poursuiviez, vous verriez des fleurs de pourpre et des lys d’argent, autour desquels vibrent les abeilles, des jujubiers balancés par le vent, des étangs bleus où voguent les cygnes, des bois où chantent les bengalis et, au-dessus des vattées, des forêts, des collines, tout comme là-bas le vieux Piton des Neiges, l’immense Kaïlaça dresse son front éblouissant. Vraiment, pour décrire ces contrées merveilleuses, Leconte de Lisle n’aurait pas eu besoin de consulter le Ramayana ou le Bhâgavata-Purâna ; il n’avait qu’à se rappeler les paysages de son île chérie, ses savanes, ses bois et ses montagnes, et qu’à les reproduire en les agrémentant des hôtes miaulants, grondants ou rampants qui devaient donner à ceux de l’Inde leur caractère original.

Il devait se sentir un peu plus embarrassé, quand il s’agissait de peindre les sites de la Grèce qui servent de cadre à la plupart des Poèmes Antiques. Il n’avait pas visité l’Hellade. Il ne la connaissait que par les récits des voyageurs il s’en faisait surtout une idée à travers ses poètes. Aussi ne faut-il pas s’attendre à en trouver dans son œuvre des descriptions réalistes et personnelles. La nature grecque, telle qu’il nous la représente, est une nature simplifiée et stylisée. Le paysage est réduit à quelques traits caractéristiques : le ciel radieux, d’où


L’Archer resplendissant darde ses belles flèches

  1. Poèmes Antiques : Baghavat.