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LECONTE DE LISLE

Seuls, obtiennent de lui quelque marque d’attention et une sympathie non déguisée les représentants attardés des races primitives, les sauvages qui, dans la prairie américaine ou sur quelque îlot de la Polynésie, perpétuent cette alternance d’activité violente et d’indolente songerie, qui fut sans doute, aux temps préhistoriques, la loi de la vie humaine. Il met une visible complaisance à décrire,


Assis contre le tronc géant d’un sycomore,
Le cou roide, les yeux clos, comme s’il dormait,


une plume d’ara, jaune et rouge, au sommet du crâne, et le calumet aux lèvres, le dernier Sagamore des Florides, le sachem tatoué d’ocre et de vermillon, immobile, étrange et beau comme une idole rouge ; — ou bien encore le dernier des Maourys, le vieux Mangeur d’hommes, unique débris d’une race turbulente et guerrière, qui boit l’oubli dans l’eau de feu, et s’en va le long de la plage, la tête basse et les deux bras pendants,


Fantôme du passé, silencieuse image
D’un peuple mort, fauché par la flamme et le fer.


Quant aux représentants des races dites supérieures, ces blancs qui prétendent faire la loi à l’univers, il n’a pour eux — et il ne se gêne pas pour le leur dire — que le plus complet mépris :


Vous vivez lâchement, sans rêve, sans dessein,
Plus vieux, plus décrépits que la terre inféconde,
Châtrés dès le berceau par le siècle assassin
De toute passion vigoureuse et profonde.


Ils n’en ont qu’une, et la plus basse et la plus vile de toutes, l’appétit des richesses, la soif de l’or. Mais la destruction guette ce monde de corruption et de boue : « Les temps ne sont pas loin », s’écrie le poète,


Où, sur un grand tas d’or vautrés dans quelque coin,
Vous moutrez bêtement en emplissant vus poches.