Sans doute la Grèce a produit en foule guerriers héroïques et navigateurs aventureux ; mais, pour Leconte de Lisle, elle est surtout la patrie de l’intelligence et des arts, le sanctuaire des Muses, dont il évoque à la fin de l’Apollonide le chœur majestueux :
Nous sommes les Vierges sacrées,
Délices du vaste univers,
Aux mitres d’or, aux lauriers verts,
Aux lèvres toujours inspirées.
L’homme éphémère et soucieux
Et l’Ouranide au fond des cieux
Sont illuminés de nos flammes,
Et parfois nous réjouissons
De nos immortelles chansons
Le noir Hadès où sont les âmes !…
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À travers la nue infinie
Et la fuite sans fin des temps,
Le chœur des astres éclatants
Se soumet à notre harmonie…
Les Muses sont l’âme du monde. Mais leur séjour préféré, c’est
la favorite de Pallas Athéné, « la Cité surhumaine », « la Fleur
magnifique des âges », que le poète voit, dans l’aurore et l’azur,
monter aux cieux élargis, et s’épanouir sur le monde enchanté,
La ville des Héros, des Chanteurs et des Sages,
Le Temple ébtouissantde la sainte Beauté.
Quel contraste entre cette lumineuse vision et les tableaux que Leconte de Lisle a retracés du monde barbare ! Dans ces dures contrées du Nord, glacées de neige ou noyées de brume, l’homme est sauvage comme la nature. Les corps sont robustes, et les âmes violentes. Point de dissimulation, de perfidies ni de ruses le sang monte à la tête, le geste devance la parole les passions dominantes sont la haine jalouse et la soif de la vengeance. Ici, nul renoncement à la vie, mais le parfait mépris de la mort. Il est beau de mourir en combattant, d’épuiser d’un seul coup la part d’existence assignée à chacun, d’entrer joyeusement dans un autre monde. Hialmar est couché sur le champ de bataille son casque est rompu, son armure est trouée, ses