Et il ne dépend point d’elle que son sacrifice ne soit accepté[1]. — Valmiki, le poète immortel, lui, est très vieux. Il a cent ans. Sa vie est pleine, son œuvre est faite. Il monte au sommet de l’Himavat, il s’arrête sous le vaste Figuier verdoyant l’hiver comme l’été. Immobile, il laisse une dernière fois ses yeux se fixer sur le monde, il se plonge dans la gloire de Brahma. Et tandis qu’il est perdu dans cette extase surhumaine, par centaines, par milliers, par millions, de blanches fourmis grimpent à l’assaut de son corps.
Elles couvrent ses pieds, ses cuisses, sa poitrine,
Mordent, rongent la chair, pénètrent par tes yeux
Dans la concavité du crâne spacieux,
S’engouffrent dans la bouche ouverte et violette,
et de ce qui fut Valmiki, l’immortel poète, elles ne laissent qu’un
squelette roide,
Planté sur l’Himavat comme un dieu sur l’autel[2].
La Grèce connaît, elle aussi, les passions qui tourmentent l’homme. Elles sont de tous les temps et de tous les climats. Leconte de Lisle nous montre Clytemnestre féroce, Hélène sensuelle, Niobé orgueilleuse. Mais de cette terre heureuse, où la race humaine s’est épanouie plus librement qu’ailleurs, il a retenu de préférence des images riantes. Les dieux y sont tout près de l’homme, et l’homme s’y sent presque au rang des dieux. Les immortels aiment les femmes de la terre, et les nymphes ne croient pas s’abaisser en poursuivant de beaux jeunes hommes d’une tendresse que ceux-ci n’accueillent pas toujours. La vie est facile, les mœurs sont douces
Ni sanglants autels, ni rites barbares
Les cheveux noués d’un lien de fleurs,
Une Ionienne aux belles couleurs
Danse sur la mousse au son des kithares[3]